Contrats en déshérence : où en est-on ?
Depuis les exigences de la loi Eckert en 2016, les assureurs sont tenus de faire le point sur le nombre de contrats en déshérence et les montants non réglés. Nous assistons donc depuis quelques semaines aux publications des assureurs sur le sujet.
Qu’est-ce qu’un contrat en déshérence ?
Pour rappel, un contrat est dit
en déshérence lorsque le capital ou la prestation n’a pas été versé à son terme
ou suite au décès de l’assuré. Cette situation peut survenir par exemple :
- lorsque de son vivant, l’assuré n’a pas mis à jour ses coordonnées
- quand l’assureur n’a pas connaissance du décès de l’assuré ou n’arrive pas à identifier les bénéficiaires du contrat. Rappelons qu’en 2017, le montant des fonds non réclamés était estimé à 3,7 milliards d’euros !
Quels sont les types de contrats concernés ?
- des contrats d’épargne, tels que les contrats d'assurance vie en euros ou en unités de compte,
- les contrats de retraite individuelle, tels que le Madelin, ou collective comme les contrats article dits « Article 83 »,
- les contrats de prévoyance individuelle ou collective incluant une garantie décès.
A cela s’ajoutent dorénavant les contrats
obsèques et dépendance en raison de l’augmentation considérable du nombre de
signataires de ces types de contrats. En
fin 2017, près de 4,5 millions de français étaient titulaires d’un contrat obsèques.
Que dit la loi Eckert ?
Votée le 13 juin 2014, la loi
Eckert a pour objectif de renforcer la protection des épargnants et des bénéficiaires
de contrats d’assurance vie. Entrée en vigueur en 2016, elle oblige désormais
les banques et les compagnies d’assurance à recenser les comptes bancaires
inactifs et les contrats d’assurance vie arrivés à échéance et non réclamés par
les bénéficiaires.
Quelles sont les obligations des banques et des assurances ?
Afin d’être en conformité avec
les exigences de la loi Eckert, les banques et les assurances sont tenues :
- d’effectuer annuellement un recensement des comptes inactifs,
- de s’informer du décès éventuel des souscripteurs / titulaires / assurés a minima une fois par an, ceci en consultant le répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) qui répertorie les personnes décédées en France. A noter que les assureurs disposent d’un délai de 15 jours, après réception de l'avis de décès et prise de connaissance des coordonnées des bénéficiaires, pour prendre contact avec eux.
- de réaliser diligences nécessaires pour identifier les bénéficiaires désignés des contrats d’assurance vie ainsi que les souscripteurs / titulaires des bons ou contrats de capitalisation, afin de leur verser les prestations ou le capital dus ;
- d’informer les souscripteurs dans l’année qui précède la date d’échéance de leurs contrats d’assurance vie ou de capitalisation, de la date du terme, ou de sa prorogation tacite;
- de rechercher en cas de décès de l’assuré les bénéficiaires par tous les moyens, grâce par exemple aux informations figurant au contrat ou aux coordonnées des mairies, des notaires ou encore des organismes de pompes funèbres ;
- de revaloriser les contrats entre la date du décès jusqu’à réception des pièces nécessaires au paiement du bénéficiaire ;
- de transférer les capitaux non réglés à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) au bout de 10 ans ;
- de justifier des actions menées pour résorber progressivement le stock de contrats non réglés par exemple via la rédaction de rapport annuel de suivi des actions mises en œuvre ou via un reporting chiffré.
Comment s’effectue le transfert des fonds non réclamés ?
Les fonds non réclamés sont
reversés à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) au bout de 10 ans pour
les comptes inactifs dont le titulaire est vivant et pour les contrats d’assurance
vie non réclamés. CE délai est ramené à 3 ans si l’assuré ou titulaire du
compte est décédé.
Par la suite, l’Etat français
dispose de ces sommes si elles ne sont pas réclamées au bout de 30 ans.
Que faire si vous êtes un particulier ?
Que l’on soit titulaire ou bénéficiaire,
le premier conseil est de suivre régulièrement les contrats et comptes
souscrits au moins une fois par an. De même, il est fortement recommandé de
mettre à jour ses clauses bénéficiaires en cas de survenance d’un événement important
(mariage, naissance d’un enfant, divorce, décès…) ou a minima en cas de
changement d’adresse.
En cas de décès, d’un parent ou
membre de la famille, signalez l’événement aux banques et assurances concernées
afin de déclencher les démarches nécessaires.
Par ailleurs, toute personne qui
pense être bénéficiaire peut contacter librement l’AGIRA http://www.agira.asso.fr/
Pour les fonds qui ont été
transférés à la Caisse des Dépôts et Consignation, il est possible d’effectuer
une recherche sur le site de CICLADE https://ciclade.caissedesdepots.fr/
Quels sont les enjeux et les impacts de ces obligations chez les assureurs ?
La loi Eckert est une continuité
des différentes mesures mises en place par le régulateur pour renforcer la
protection de la clientèle. En cas de non-respect, les banques et compagnies d’assurance
encourent de lourdes sanctions financières. Ainsi, l’ACPR a déjà sanctionné
plusieurs assureurs pour non-conformité. Pour preuve, en 2014 et 2015 Allianz a
écopé d’une amende de 50 millions d’euros, la CNP Assurances 40 millions d’euros
et Cardif 10 millions d’euros. Ce qui implique au-delà des risques financiers,
un risque de réputation à ne pas négliger surtout au vu de l’image que les
français se font des assureurs.
Cette réglementation implique
également des évolutions considérables auprès des assureurs en termes de :
- problématiques organisationnelles (revue, mises à jour et création des processus, mise en œuvre de procédures, formation des collaborateurs…)
- création et évolution des plans de contrôle,
- audit, optimisation et évolution des systèmes d’information.
Le sujet de protection de la clientèle
est devenu une priorité du régulateur qui oblige les assureurs à plus de
rigueur vis-à-vis des assurés. Toutefois, il est important que les acteurs
soient en mesure d’intégrer ces nouvelles obligations dans une approche
commerciale globale plus orientée client. Ceci passe à la fois par une
communication plus transparente et plus pédagogique mais aussi par une démarche
mieux ciblée de la part des différents acteurs.
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